Détruire nos Bastilles

bastilleVoici ce que j’ai déclaré devant le monument aux morts de Templemars, ce 14 juillet 2019

Je vous propose ce matin un petit retour en arrière, il y a 230 ans.

La Bastille est une forteresse élevée à Paris sous Charles V en 1358, à l’emplacement du débouché de la rue Saint-Antoine sur l’actuelle place de la Bastille, à proximité de l’actuel Opéra Bastille. C’est à l’origine un fort destiné à défendre la porte Saint-Antoine et les remparts de l’Est de Paris devenus plus vulnérables. Il sert aussi à protéger le roi en cas de révolte du peuple parisien car il sécurise la route reliant sa résidence à l’hôtel Saint-Pol vers le château de Vincennes où il veut établir le centre administratif du royaume.

Le 12 juillet 1789, le peuple apprend le renvoi de Necker et s’inquiète de ce retour en force de l’autorité royale. Camille Desmoulins harangue la foule au Palais Royal pour l’inciter à se défendre. Des manifestations spontanées dans les rues soutiennent Necker et l’intervention d’un régiment allemand aux Tuileries fait des blessés.

La prison redoutée a perdu beaucoup de sa superbe, même si elle a hébergé, entre autres, le masque de fer. Lorsque les insurgés pénètrent dans le fort le 14 juillet, après la reddition de sa garnison, ils n’y trouvent semble-t-il que sept prisonniers, dont quatre faussaires.

Le 15 juillet 1789, Louis XVI nomme La Fayette commandant de la garde parisienne créée pour canaliser les mouvements populaires et assurer la protection des Parisiens. Celui-ci incite à organiser pour le premier anniversaire de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1790, la Fête de la fédération, sur le champ de mars, une fête de l’unité de tous les Français.

En 1880, presque 100 ans plus tard, nous sommes dans la troisième République. Les députés veulent offrir à la Nation une fête collective et cherchent une date qui puisse en constituer le symbole. La prise de la Bastille devient le mythe fondateur, parce que c’est le peuple qui en a été l’acteur majeur.

Le 14 juillet, nous nous rappelons que nous sommes une nation, qu’ensemble nous constituons un pays uni, quelles que soient les difficultés que nous traversons.

La révolution française met bas une monarchie et une société aristocratique en déliquescence, et consacre ce qu’on a appelé le siècle des Lumières. Dans notre pays, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot, d’Alembert ont porté cette marche vers le progrès. Dans toute l’Europe de l’époque, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Espagne, des intellectuels, des philosophes ont secoué l’ordre établi, cherché à combattre l’ignorance par la diffusion du savoir.

La Révolution française n’a pas tout résolu, loin de là, et nous savons tous aujourd’hui que nous ne pouvons pas attendre de miracle d’un hypothétique «grand soir».

Ce mouvement des idées n’a pas empêché que nous connaissions ensuite au sein même de l’Europe des conflits majeurs. Et chaque jour, nous continuons à recevoir des nouvelles terrifiantes du monde, nous entendons effarés des déclarations belliqueuses de certains dirigeants, quelquefois à la tête de pays dits avancés. Mais les philosophes du XVIIIe siècle nous ont au moins appris que le pire n’est pas forcément probable, et que nous avons entre nos mains les moyens de construire le bonheur pour tous, parfois contre l’avis de ceux qui nous gouvernent.

Nous fêtons aujourd’hui en même temps que notre nation l’égalité devant la loi, le droit au travail, à la dignité sociale, le refus de toute distinction liée à la couleur de la peau, à la religion.
Dans quelques jours, le 21 juillet, nous célébrerons la « Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat Français et d’hommage aux justes de France». La date n’est certes pas évidente, quelques jours après notre fête nationale, alors que beaucoup d’entre nous sont en vacances. Je me permets donc d’attirer votre attention sur cette célébration, qui correspond à l’anniversaire de la rafle du Vél d’hiv, en juillet 1942, il y a 77 ans. C’est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France par le régime nazi avec la complicité de la police française.

La promotion des droits de l’homme et du citoyen passe bien évidemment par le refus du racisme et de l’antisémitisme. Vous le savez, ce combat est toujours nécessaire, l’actualité nous rappelle régulièrement que ces opinions sont toujours vivantes, même si elles sont heureusement minoritaires.

Mais aujourd’hui, il y a un mot que nous fêtons ensemble depuis 1789 : la République. Ce terme ne date pas de la Révolution, puisque la République romaine date de 500 ans avant notre ère. Mais c’est aujourd’hui la forme d’état la plus répandue dans le monde : 136 pays sur les 193 membres de l’Onu sont des républiques.

Notre commune, comme l’ensemble des collectivités locales françaises, s’efforce de mettre en œuvre chaque jour les principes de l’égalité républicaine : tous les citoyens sont égaux devant la loi. C’est ce que dit l’article 1 de notre constitution, celle de la Ve république, instituée le 4 octobre 1958 par le général de Gaulle, et écrite par Michel Debré, avec le concours de René Capitant, Guy Mollet, Pierre Pflimlin, Louis Jacquinot, Félix Houphouët-Boigny : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Nous sommes redevables des révolutionnaires de 89. En leur rendant hommage, nous contribuons à renforcer ce qui nous lie les uns aux autres et nous donne ce sentiment d’appartenir à une nation qui nous rassemble. Il nous reste pourtant beaucoup de travail à faire pour que cet article n°1 de notre Constitution soit réellement mis en pratique.

Notre république est perfectible, mais elle est aussi enviée, et dans bien des endroits dans le monde, on s’appuie sur notre histoire et ce principe de l’égalité républicaine pour avancer vers plus de démocratie, plus de liberté, plus d’égalité.

 

 

 

 

 

 

 

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