
Voici ce que j’ai déclaré ce 18 juin 2019, devant le monument aux morts, à l’occasion du 79e anniversaire de l’appel du général De Gaulle.
Quelques semaines après les cérémonies marquant le soixante-quinzième anniversaire du débarquement en Normandie en juin 44, nous nous retrouvons ici, à Templemars pour commémorer comme nous le faisons chaque année l’appel du général De Gaulle en juin 40.
En juin 1940, de Gaulle, 49 ans, est le jeune sous-secrétaire d’Etat à la Guerre et à la Défense nationale du gouvernement de Paul Reynaud. Il est très mal connu du public. Les troupes franco-anglaises sont en déroute, huit millions de civils fuient sur les routes de l’exode à la suite de l’offensive des troupes allemandes.
Le 16 juin, De Gaulle revient de Londres, où il s’est efforcé de convaincre Winston Churchill et son gouvernement de refuser le caractère inexorable de la victoire allemande. Mais le 17 juin, il apprend que Philippe Pétain, nouveau chef du gouvernement, va appeler le soir même à cesser le combat sur Radio Paris.
Instantanément, il décide de retourner à Londres. Il reste convaincu que la mondialisation du conflit peut retourner la situation. Il demande aussitôt à Churchill la possibilité de lancer un appel à la résistance. Il n’aura accès aux studios de la BBC que le lendemain, le 18 juin.
Il a simplement compris qu’il faut entrer en lutte contre l’envahisseur, mais aussi qu’il faut se donner à Londres les moyens de recomposer un état-major et un véritable appareil d’État, capables de stimuler les énergies, de coordonner les réseaux de résistance, de nouer des liens avec ce qu’il reste des militaires qui ne se sont pas ralliés au maréchal Pétain, des responsables politiques qui ne se sont pas réfugiés dans la collaboration, le désespoir ou l’abandon, et des représentants des pays qui vont renverser avec nous le régime nazi.
C’est le début de la guerre des ondes, la BBC contre Radio Paris, et c’est un peu l’entrée de notre pays dans l’ère contemporaine, l’utilisation de ce tout nouveau média qu’est alors la radio. La BBC est écoutée par quelques heureux élus, qui vont faire fonctionner le bouche-à-oreille et en décupler la force.
Entre le 18 juin et le 31 décembre 1940, le général parlera 26 fois à la radio, étendant son audience, construisant petit à petit son autorité.
C’est cette combativité que nous commémorons aujourd’hui. Ce jour-là est né le terme de « résistance » dans le vocabulaire politique. Les partisans de la France libre étaient au départ une poignée de volontaires. De Gaulle a su démystifier la puissance des forces hitlériennes et ceux qui ont préféré la collaboration, et redonner courage à son pays. Churchill et De Gaulle vont peu à peu unir leurs déterminations, donner consistance à l’alliance du camp de la paix contre l’hitlérisme et permettre aux Français de s’organiser contre l’occupant
Il faudra attendre mai 42 pour voir à la une du journal clandestin «Libération» la photo de cet homme dont les Français ignorent encore le visage et lire un peu plus tard ce titre de «Combat» «Un seul chef : De Gaulle».
C’est le début de l’amplification de la lutte contre le nazisme à l’intérieur et à l’extérieur de notre pays, la découverte de ce projet abject, l’unification des pays alliés pour mettre cette dictature à terre.
Je voudrais pour conclure vous proposer cette réflexion d’un autre homme politique français qu’on a un peu oublié. Il s’agit de Pierre Mendès-France, président du conseil de juin 1954 à février 55.
« On ne doit jamais s’occuper de savoir si l’on est payé en retour. Un homme politique doit dire ce qu’il pense, il doit être au service des convictions, il doit défendre ses convictions, il doit se battre pour ce qu’il croit être le bon, le bien.
Eh bien, il y aura des cas où il sera mal entendu, mal écouté, où il n’aura pas gain de cause. S’il est sûr que ce qu’il dit, ce qu’il croit c’est la vérité, du même coup il est sûr qu’à la longue il aura raison, peut-être sans lui, peut-être après lui.
Dans l’intervalle on aura perdu du temps, on aura fait du mal, mais s’il a raison, s’il est sûr qu’il l’emportera, il doit s’efforcer de faire avancer cette maturation le plus possible. C’est pour ça qu’il doit se battre. »
Le texte de l’appel diffusé sur la BBC
« Les Chefs qui, depuis de nombreuses années sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.
Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique terrestre et aérienne de l’ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limite l’immense industrie des États-Unis.
Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n’empêchent pas qu’il y a dans l’univers tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français, qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Demain comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres. »