Voici ce que j’ai déclaré ce 16 juillet 2017 aux monuments aux morts de Templemars, à l’occasion de Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France :
Nous avons pris l’habitude de rendre hommage en ce mois de juillet aux Justes de France, et de nous souvenir des crimes de l’état français durant la période de l’occupation, à la date anniversaire de la terrible rafle du Vélodrome d’hiver.
Les 16 et 17 juillet 1942, 7 000 policiers et gendarmes français, assistés de 300 militants du Parti populaire français de Jacques Doriot, sur ordre du gouvernement de Vichy, procèdent à l’arrestation de 13 152 Juifs dont 4115 enfants. Un peu plus de 8000 d’entre eux seront parqués dans des conditions particulièrement indignes dans ce vélodrome situé dans le 15e arrondissement de Paris, les autres sont envoyés au camp de Drancy, avant leur déportation vers le camp d’Auschwitz-Birkenau. C’est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale, organisée à la demande du Troisième Reich. Cette rafle représente à elle seule plus du quart des 42 000 Juifs envoyés de France à Auschwitz en 1942, dont seuls 811 reviendront chez eux.
Simone Jacob est née le 13 juillet 1927 à Nice dans une famille juive non pratiquante. Dans les années 1940, Simone n’est plus autorisée, comme tous les juifs, à se rendre à l’école. Elle doit se cacher, elle se fera même appeler Simone Jacquier, grâce à de faux papiers. Elle est arrêtée en mars 1944 à Nice lors d’un contrôle de la Gestapo. Elle sera déportée avec sa famille, d’abord à Drancy puis au camp d’Auschwitz-Birkenau avec sa mère et l’une de ses sœurs. Elle est immatriculée numéro 78 651, un numéro qui lui est tatoué sur le bras et qui sera, des années plus tard, gravé sur son épée à l’Académie française.
Voici ce qu’elle disait de ce tatouage : « Cela donnait l’impression d’une chose irrémédiable. Devenir un numéro, je crois que c’est le premier événement qui a donné à penser que ce n’était pas simplement l’envoi dans un camp de travail, une déportation ordinaire je dirais. »
Elle sera ensuite transférée au camp de Bergen Belsen. Un camp libéré par les forces britanniques en avril 1945. Sa sœur Madeleine et elle sont les seules survivantes de sa famille.
A son retour en France, la réadaptation à la vie hors des camps est difficile pour la jeune femme. Voici ce qu’elle expliquait : « On rentrait dans un pays, dans un monde où les gens s’étaient organisés sans nous. Et le trou ne s’est jamais comblé. Quand on me parle de cette période, il y a comme un hiatus, je n’ai jamais très bien compris comment ça s’était passé. »
Diplômée du baccalauréat avant sa déportation, elle commence des études de droit et entre à l’Institut d’études politiques de Paris en 1945 où elle rencontre Antoine Veil qu’elle épouse en octobre 1946. Celui-ci entre comme attaché de cabinet de Pierre-Henri Teitgen, vice-président du Conseil, en 1947.
Simone Veil obtient le concours de la magistrature en 1956, et débute sa carrière à l’administration pénitentiaire. Elle s’occupe des femmes et des jeunes détenus. Elle s’engage notamment en faveur des détenus Algériens menacés par l’OAS durant la guerre d’indépendance et veille à leur rapatriement en France. En 1964, elle dirige les affaires civiles et s’occupe particulièrement des problèmes d’adoption.
Jacques Chaban-Delmas, alors Premier ministre du président Pompidou, la nomme secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature. Elle est, en 1970, la première femme de France à accéder à ce poste. Dès cette époque, elle prend position en faveur de l’avortement.
En 1974, elle entre dans le gouvernement de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en tant que ministre de la Santé.
Elle libéralise tout d’abord la contraception puis pilote le projet de loi sur la dépénalisation de l’IVG. Le 26 novembre 1974, Simone Veil présente devant l’Assemblée nationale son projet de loi sur la dépénalisation de l’avortement. Les critiques de la droite et de l’extrême droite sont nombreuses. Elle sera même traitée de « nazie » à l’Assemblée Nationale. Elle précise que « l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue ». Avec le soutien de la gauche, le texte est adopté et entre en vigueur en 1975. Simone Veil fait face alors à de nombreuses menaces et intimidations. « Ça a été un déchaînement de haine, raconte t-elle… Un matin, en allant à l’Assemblée Nationale, ma voiture était couverte de croix gammées. Le courrier que j’ai pu recevoir à l’époque… Parfois mes secrétaires ouvraient le courrier et le trouvaient tellement épouvantable qu’elles le déchiraient… et moi je pense qu’au contraire j’aurais préféré conserver ces courriers pour que les sociologues travaillent dessus.»
En 1979, Valéry Giscard d’Estaing lui demande de mener la liste de l’UDF aux premières élections du Parlement européen. Elle démissionne du gouvernement en 1979 et devient présidente du premier Parlement européen.
Elle sera par la suite ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville dans le gouvernement d’Edouard Balladur en 1993 puis membre du Conseil Constitutionnel entre 1998 et 2007.
Elle sera également Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et en 2010 Simone Veil entre à l’Académie française.
Après les décès de son mari et de sa sœur en 2013, Simone Veil se retire de la vie publique. Elle meurt à son domicile, le 30 juin dernier.
Le président de la République a pris la décision de transférer prochainement ses cendres au Panthéon, ainsi que celles de son mari avec qui elle a partagé 67 ans de sa vie. Elle s’y retrouvera en compagnie de Sadi Carnot, Jean Jaurès, Léon Gambetta, Victor Hugo, Emile Zola, André Malraux, Alexandre Dumas, Sophie et Marcellin Berthelot, Paul Painlevé, Marie et Pierre Curie, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Ceux qui iront se recueillir devant leur tombe, dans ce lieu d’histoire, pourront lire cette plaque qui depuis 2007 rend hommage aux Justes de France : «Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Nommés « Justes parmi les nations » ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des juifs des persécutions antisémites et des camps d’extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité.»
Michel Carlier me signale que Simone Veil et sa sœur Madeleine ont partagé à Bergen-Belsen le même sort que la Lilloise Lili Leignel, toujours vivante, ainsi que de Geneviève Anthonioz-De Gaulle
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